Voyage au pays de l'inséparé

Le monde classique hérité des grecs nous a habitué à vivre dans un monde ordonné, un monde où tout est séparé, hiérarchisé, bien à sa place. Le théâtre avec son lourd rideau repose lui-même sur ce principe de séparation entre la scène et la salle, entre le visible et l’invisible, entre les rôles et les fonctions de chacun·e…
La séparation nous a imposé un modèle simplifié du monde. Or, le réel est chaotique, turbulent, ordonné certes, mais de façon complexe. Et la séparation, qui jusque-là façonnait notre conception du réel, cède aujourd'hui partout devant l’évidence de l’inséparation. La science nous l’enseigne, la globalisation de l’économie nous le fait vivre, internet et les liens de communication le matérialisent, l’écologie et les solidarités nécessaires qu’elle induit nous l’imposent. 
Notre période historique se caractérise par une logique d’interdépendance et d’interrelation généralisée.
 
Et si l’on partageait une expérience sensible nouvelle : celle d’un espace sans hiérarchie, un espace inséparé où tout, vous, nous, les choses, le temps, le dehors, le dedans, les mots, la pensée,  le velours des fauteuils,  le sourire d’un ouvreur, la poussière dans l'air, le claquement d’une porte, la souplesse du plancher, la mort de la tragédienne, seraient au même plan, reliés et se répondant ? 
Si, comme des explorateur·ices débarrassé·es des codes et contraintes d'un ancien modèle, nous partions à la découverte d'une autre forme de réalité, celle de l’inséparation ? Alors, gagnés par l'étonnement, nous découvririons peut-être un théâtre comme on ne l’a jamais vu. Façon de partager ensemble une nouvelle image du monde. 
Et de quoi avons-nous le plus besoin aujourd’hui, si ce n’est d’une nouvelle image du monde ?